De la folie à la maladie mentale
- wgrognierpsykho
- 25 déc. 2023
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Dernière mise à jour : 25 déc. 2023
Sommaire
Introduction
"Je ne suis pas fou ; Je ne suis pas malade ; Je n'ai pas de problèmes". Voilà des phrases que peuvent prononcer les réticents à rencontrer toute forme de psychothérapeutes, ou d'accompagnants, face à une souffrance morale. Cependant, ceux qui s'y sont essayés sont capables de dire que la maladie (mentale) n'est pas, et n'a jamais été, un pré-requis à la rencontre. Cette dernière acceptation trouve bien plus vérité aujourd'hui qu'hier. Cependant, tel n'a pas toujours été le cas. Comme dans beaucoup de domaines, ceux de la médecine, de la psychiatrie et de la psychologie ont été, à travers le temps, source de remaniements et d'évolutions successives. La perspective est donc ici de dresser un tableau de celles-ci.
1. Les Origines
a. L'Antiquité Gréco-Romaine - Des médecines
L'Histoire de la folie trouve ses débuts dans l'Antiquité gréco-romaine. En ce temps, deux approches explicatives s'opposent : une de nature religieuse et l'autre de nature scientifique.
Au VIIIème avant J-C, Homère prône une médecine qu'il est possible de qualifier de "religieuse". Les Dieux, à qui tous les pouvoirs étaient prétés, disposaient du droit de vie et de mort sur les vivants. Tels de bons parents, ils pouvaient être tantôt gratificateurs, car répondant aux prières qui leurs étaient adressées, tantôt punisseurs, car provocant la maladie et/ou la mort. Le recours thérapeutique d'usage était alors les prières, les incantations ou encore, l'onirothérapie (thérapie par le rêve). Cadre dans lequel, le patient placé dans un état modifié de conscience, à demi endormi, voyait dans ses rêves, les moyens nécessaires à sa guérison.
Au Vème siècle avant J-C, Hippocrate prône quant à lui une médecine "scientifique". Il est en faveur d'une théorie dite "des humeurs". Reconnaissant et admettant que le cerveau est l'organe le plus important du corps humain, la maladie serait pour lui un déséquilibre entre quatre "humeurs" : celle du sang (coeur) ; celle du phlegme (cerveau) ; celle de la bille jaune (foie) et celle de la bille noire (la rate).
Au Xème siècle, le traité d'Ishaq Ibn Amran sur la mélancolie met en évidence les origines étiologiques de la maladie. Un nouveau regard, psychologique, pose ici les prémisses des maladies.
b. Le Moyen-Age - Du surnaturel au naturel
En ce temps, c'est tiraillé par des forces opposées que l'être s'éprouve exister. Avec d'un côté, celles divines bienfaitrices (Dieu), et de l'autres celles, toujours divines mais malfaitrices (Satan). Les dénominations pour qualifier les malades étant toutes empruntes d'une connotation religieuse : "fous de dieux ; pêcheurs insensés...".
Les origines surnaturelles ou naturelles recouvrent les deux faces d'une même pièce pour expliquer la maladie. Face à ce constat, l'adhésion à l'une où à l'autre des ces origines provoquera empathie ou rejet des fous dans la société. Celui qui est jugé fou, en vertu du droit canonique ou civil, par l'intermédiaire des seuls témoignages de l'entourage, se voit adressé un curateur ou un tuteur parmi les membres de sa famille. Le statut reçu par ce dernier en fait un protecteur des biens et de l'intégrité physique de la personne. Il est chargé de sa surveillance pour éviter qu'il nuise aux autres (violence), ou à soi-même (suicide). Cette prise en charge familiale ayant vocation à empêcher le fou d'être cloîtré dans une chambre d'hôpital ou la cellule d'une prison. S'il ne peut être tenu à domicile, il est alors chassé. Quel que soit le cadre de détention, le malade est attaché par souci d'anticipation d'actes malveillants.
c. L'Age Classique (XVI - XVIII siècles)
Ceux qui se font appeler "les insensés" peuvent être observés, regroupés en errance. Cette population hétéroclite se compose de sujets valides / invalides, de prostitués, d'enfants abandonnés, d'idiots et de fous. La réponse donnée par l'Etat face à ce "troupeau des errants" et celui de "l'enfermement des mendiants" dans des locaux qui représentent "l'Hôpital Général" (Hôtel Dieu ; Salpêtrière ; Bicêtre).
La diversité des repris de justice viendra interroger la légitimité de cet enfermement massif et là où, auparavant, l'individu seul était jugé, c'est une instance plus grande qui le devient, l'Etat social. La société se devant de réparer le mal qu'elle a causé, l'Assistance Publique voit le jour.
2. XVIII - XIX siècle - L'aliénisme
Le dégagement d'avec la notion "d'aliénation mentale" fait émerger celle de "folie". Les malades mentaux quittent le statut de "criminels" au profit de celui de "malades". Ils sont alors ceux qui requièrent, non plus l'exclusion et l'enfermement, mais plutôt un traitement.
a. Philippe PINEL (1745-1826)
Avec ses voisins Allemands, Philippe Pinel sera le co-fondateur de la "psychiatrie". Terme qui trouve sa place dans le vocabulaire français en 1802. En sa qualité d'aliéniste, il s'appuie sur les travaux d'Hippocrate sur les humeurs. En 1800, dans son ouvrage "L'exaltation extrême des passions", Pinel développe l'étiologie de la folie.
Un autre regard est porté sur l'Homme malade qualifié de "fou". Là où il était autrefois qualifié "d'insensé" et donc, diminué de son sens et sa raison, il est désormais possible de faire usage de la parole comme moyen thérapeutique puisque qu'il conserve cette raison bien qu'il soit malade. Pinel fait usage de l'approche qu'il a lui-même développée, appelée : "Traitement moral".
Ce dernier reposant sur trois piliers :
Bienveillance : patience et croyance en une possible amélioration guide l'accompagnement thérapeutique ;
Douceur : la compassion (du latin "coumpassio" signifiant souffrir avec)
Persuasion : faire adhérer le malade au système de croyance du médecin. Ce qui sous-entend qu'un lien de confiance a put s'instaurer entre eux.
Ce dernier point sera celui qui suscitera la remise en question de la prise en charge puisque la persuasion cédera le pas à la répression et à l'autoritarisme.
b. Jean-Etienne ESQUIROL (1772-1840)
Elève et successeur de Pinel, sa thèse de 1805 porte sur "Les passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de l'aliénation mentale". Pour lui, la différence entre "passion" et "folie" relève d'un abord quantitatif. La passion est la frontière entre l'âme et le corps. Là où l'épigastre est l'endroit où se rencontrent, métaphoriquement, les plans organique et moral.
c. L'asile
C'est par la loi du 30 juin 1838 que naissent les asiles. Leur intégration relève d'une décision médicale et d'une autorisation administrative. Elle organise des établissements dédiés aux aliénés dont les placements sont faits à la demande du malade ou d'un tiers (membre de la famille, autorité publique).
3. Les thérapeutiques des XVIII et XIXème siècles
a. Franz Joseph Gall (1758-1828) - la phrénologie
Initiée par Gall, la phrénologie renvoie aux termes "phrên" et "logos" signifiants respectivement : "pensée" et "science". Sa méthode est qualifiée "d'anatomo-clinique" puisqu'elle vise à identifier des lésions organiques cérébrales. Le cerveau se voulant le centre des penchants, des sentiments et des facultés, sa forme serait à inférer aux lésions et permettrait donc de révéler ses fonctions et altérations par le recours à la palpation et à la mesure. C'est la "crânioscopie" qui révèle le caractère de l'individu selon la forme de son crâne.Par cet intermédiaire est établi une cartographie des 27 facultés fondamentales identifiées. Cependant, faute de connaissances et de moyens à cette époque, ne pas considérées justement les zones internes du cortex et la forme externe.
b. Antoine-Laurent Bayle (1799-1858) - L'arachnitis chronique
En 1822, avec sa thèse portant sur les "Recherches sur les maladies mentales" Bayle offre une nouvelle description anatomo-clinique à partir de ce qu'il a observé : "l'arachnitis chronique" qui représente une paralysie générale. Cette affection venant impacter les facultés intellectuelles. Ainsi émerge un déplacement de la psychiatrie vers la neurologie puis une scission en 1969.
4. Les thérapeutiques passées et présentes
a. L'Homme et les dieux
Dans l'Égypte ancienne où les Hommes étaient polythéistes, le recours aux prières, aux offrandes, à la communication avec le divin visait à éviter le mauvais sort et à guérir les maux. Cette tendance demeure présente à travers le temps selon les cultures, leurs croyances, leurs rites et rituels.
b. L'Homme et la nature
S'éloignant de la religion pour se rapprocher de la médecine, dès l'Antiquité les médecins fabriquent des remèdes à base de plantes, de fleurs et de fruits. Aujourd'hui, en homéopathie, existent les Fleurs de Bach. Au nombre de trente-neuf, chacune d'elles ont leurs vertus propres. De retour dans l'Antiquité, les animaux, leurs parties du corps, sinon leurs excrétions, sont aussi utilisées à des fins de soins.
c. L'Homme, l'inconscient et les molécules
La chaise tournante de Hermann Boerhaave (1668-1738) s'appuie sur l'approche darwinienne selon laquelle "la folie naîtrait de mouvements désordonnées des fibres nerveuses. La rotation servant à remettre les idées en place.
La Galvanothérapie, plus connue sous l'appellation de "l'électrothérapie" servait à apaiser les comportements maniaques. Elle est aussi employée dans les cas d'hystérie et de dépression.
Le traitement moral de Pinel a déjà été évoqué plus haut dans cet article.
Les moyens de contention : camisole, manchettes, cordes... Plus actuels, dans les cas d'autisme, il a pu être préconisé le "packing". Thérapie visant à enfermer le patient pour lui éviter tout mouvement et faire qu'il sente une forme d'enveloppe corporelle qui viendrait offrir une unité face à la dispersion psychique et à l'agitation.
Les exercices physiques : les études en neurologies ont démontré les vertus thérapeutiques de toutes formes d'activités physiques. Outre la mise en mouvement, l'éventuel contact avec la nature, elle procure la sécrétion d'hormones telles que la sérotonine, l'adrénaline et la dopamine. Ils se trouvent être forts utiles dans les cas de dépression chroniques ou aigües.
Les voyages thérapeutiques : cette idées peut-être appréciée à deux niveaux. Un premier concret où la mise au vert permet de sortir la personne de son cadre de référence. Il est bien connu que certaines dépendances sont contextuelles car inscrites dans un quotidien avec ses habitudes, ses liens sociaux... Modifier ce cadre, tout en offrant un accompagnement thérapeutique, donnerait de bons résultats. Un second est abstrait où la notion de voyage peut se faire par le recours à l'imaginaire et à l'inconscient. L'hypnose ou les Psychédéliques étant les véhicules menants vers de nouveaux horizons.
La lobotomie : vise à agir de façon chirurgicale afin de détruire certaines zones des lobes frontaux. Le patient, apaisé, n'en perd pas moins sa faculté de pensée.
L'art-thérapie : dès l'Antiquité, qu'elle soit menée grâce à la musique, jouée ou dansée, ou de rôles au théâtre, elle a vocation à apaiser les passions et les âmes. En s'identifiant aux personnages, les acteurs pouvaient apprécier la catharsis offerte par l'exercice. C'est à dire : "une purgation, une décharge adéquate des affects pathogènes." (Laplanche J. & Pontalis J.B. (2011) Vocabulaire de la psychanalyse. p. 60. PUF.)
La psychanalyse : aussi appelée la "talking cure" (cure par la parole). Le patient est invité à dire tout ce qui lui passe par la tête afin de rejouer, par l'intermédiaire du psychanalyste les relations qui ont eu un impact pour lui dans son existence, et ainsi de s'en libérer. Même s'il en est dit que la "guérison vient de surcroît", celle-ci est en mesure de s'opérer par la mise en mots des maux qui rend conscients les conflits jusqu'alors inconscients. Cette prise de conscience offrant le bénéfice d'endiguer les symptômes.
Les neuroleptiques : médicaments servant à contenir les effets envahissants au plan personnel comme social pour le patient. Vus par certains comme une "camisole chimique", ils ne se suffisent pas à eux-mêmes et doivent être accompagnés d'une prise en charge psychothérapeutique. Le cas échéant, il est possible de s'attendre à un retour des symptômes dans le temps malgré un arrêt progressif de la prise.
L'hypnose : par un état modifié de conscience, la personne peut contacter la part inconsciente de son être, celle qui est en mesure de se mettre au travail et ainsi de changer les comportements qui impactent négativement l'existence des patients. Les usages connus sont : l'arrêt du tabac (ou d'autres dépendances) ; les phobies ; la perte de poids.
Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : déjà évoquées dans un précédent article.
Malgré un souci d'exhaustivité, aussi nombreuses soient-elles, toutes les approches n'apparaissent pas ici. L'article cité dans la section Aller plus loin de cet article en détaille d'autres.
Conclusion
Ce qui fut un jour "la folie" a évoluée dans sa terminaison pour devenir "la maladie mentale". Son origine, passant de religieuse à psychologique, tout comme sa prise en charge ont elles aussi évoluées. La thérapeutique a cédé le pas aux thérapies. Longues ou brèves, elles peuvent se compléter sans s'annuler, dans une approche pluridisciplinaire. L'exemple en est fait avec la psychiatrie et ses accointances avec la psychologie. Cette pluralité des approches venant servir le patient qui peut ainsi trouver le thérapeute et l'approche thérapeutique qui lui convient en vue de répondre à l'apaisement / la disparition de ses symptômes, ou encore d'apprendre à les transformer dans un acte de sublimation.
Pour aller plus loin
Article - Psychothérapie : connaître les différences pour bien choisir"sur le site e-psychiatrie https://e-psychiatrie.fr/sante-mentale-paris-psy-psychiatre/psychotherapie-psychanalyse-tcc-therapie-familiale-gestalt-paris/
Jaccard, R., (2004), Que sais-je ? La folie. PUF.
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